Une année en Rep+ : apoplexie

Publié le par Loumánková

Après une semaine d'absence suite à une mauvaise grippe, je retourne au collège et découvre un établissement au bord de la rupture.

"On a failli fermer le collège", me glisse à voix basse une collègue. "Une réunion syndicale est prévue cette après-midi juste avant la concertation."

Sachant que les personnels de l'établissement devaient s'inscrire pour y participer, je suis dans l'obligation de faire cours. Mais en retournant en salle des professeurs pour le début de la concertation (réunion d'une heure et demie organisée chaque semaine en établissements difficiles), je constate qu'on est loin du dénouement de l'affaire.  

Le sujet du moment concerne les heures de retenue. Deux clans s'opposent nettement dans la salle : les profs et les surveillants. Ces derniers refusent de prendre des élèves en colle sous prétexte que "ce n'est pas [leur] devoir d'appliquer les sanctions des profs."

Autant dire que cela passe mal. Certaines salles ne peuvent accueillir plus que le nombre d'élèves par classe ou parfois les emplois du temps de coïncident pas pour permettre aux professeurs de coller des élèves dans leur classe.

"Dans ce cas, vous n'avez qu'à rester une heure en plus pour les prendre ! Ou alors vous changez vos échelles de sanctions !"

La colère gronde de plus en plus fort.

Finalement, les profs décident de refuser le thème de la concertation du jour. En lieu et place, nous nous sommes répartis par groupes afin d'établir une liste de doléances à appliquer d'urgence dans l'établissement.

C'est lors de ce conciliabule improvisé que j'apprends pourquoi nous en sommes à un tel point de rupture entre l'administration, la vie scolaire et nous, les profs.

"Le déclencheur a été une jeune collègue qui s'est prise une table par un élève. Ce dernier a uniquement reçu un avertissement."

"On en a ras le bol de voir que les échelles de sanctions de l'administration varient en fonction de l'ancienneté des professeurs. On a des néotitulaires qui se font insulter, démonter les salles, menacer... et l'administration ne met que de simples avertissements ! Et d'un autre côté, un élève qui insulte un camarade dans la classe d'un prof là depuis 15 ans passera en conseil de discipline !"

"J'ai dû faire un sit-in dans le bureau de la Principale pour qu'elle accepte qu'un élève ayant insulté un jeune professeur aille en conseil de discipline. J'ai dû rester plusieurs heures."

"Les élèves ont bien compris comment ça fonctionne et du coup, les jeunes profs se font marcher dessus. Et personne ne vient les aider."

Après trois heures à remettre à plat tout ce qui ne va pas dans l'établissement, les différents groupes apportent une liste à la direction afin qu'elle en prenne bonne note.

Cahier de Doléances de 1789

Cahier de Doléances de 1789

Nous sommes trois semaines plus tard. Visiblement rien n'a changé.

3 conseils de disciplines ont eu lieu cette semaine. 2 élèves ont été exclues pour s'être battues en cour de récréation. 1 autre est maintenu dans l'établissement après avoir insulté violemment deux professeurs, avoir battu un élève et insulté sa mère.

"La cheffe n'a même pas lu les rapports de ce gamin. Seuls les profs ont voté pour son exclusion. Moi ce môme, je ne le prends plus en cours", a hurlé un collègue, hors de lui.

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